les débuts de la photographie au Maroc

Comme promis, des petits extraits de mon mémoire en cours d'écriture...


Aujourd'hui nous allons plonger dans :


    Les débuts de la photographie au Maroc

 

    Comme nous le rappelle la Fondation Arabe pour l’Image, « l’histoire de la photographie est liée au monde arabe. Dès  1843, les premiers daguerréotypes sont faits en Egypte, et de nombreux photographes européens sillonnent le Proche Orient. [1]» Le Maroc est resté plus longuement fermé que ses pays voisins du Maghreb aux influences extérieures. Ce pays, terre du soleil couchant a attiré, et attire encore aujourd’hui de nombreux artistes. Delacroix, bien qu’il n’y soit resté que quelques mois, joua un rôle important dans la découverte du Maroc par les Européens, séjour qui l’aura profondément marqué.

 

« (…) tout à peut-être commencé avec Eugène Delacroix, qui, en 1832, accompagne le jeune diplomate, le compte de Mornay, chargé par le gouvernement français de conclure un traité de bon voisinage avec le sultan Moulay Abderrahman. Le peintre débarque à Tanger le 24 février, y reste quelques jours avant de partir pour Meknès, traversant à cheval tout le nord du pays.» (Ben Jelloun Tahar, d’Hooghe Alain, Siljelmassi Mohamed, Le désir du Maroc, Marval, Paris, 1999, p10)

 

    De nombreux autres artistes ont traversé le détroit de Gibraltar pour partir à la découverte du Maroc, afin de récolter par le dessin nombre d’informations, couleurs et matières, qui serviront pour la réalisation de toiles dont la clientèle européenne se délectera. Ce sera le cas pour Kees Van Dongen, Albert Marquet, Henri Matisse, Henry Regnault en autres exemples.

L’orientalisme…. Période faste entre 1870 et 1914. L’entre-guerre sonnera le déclin de cet intérêt, le public s’attachant alors davantage aux arts et productions de l’Afrique Noire et d’Océanie. Dans un autre domaine des arts, la littérature, Pierre Loti (photographe également), Paul Bowles et Jean Genet, seront eu aussi fascinés par le Maroc.

 

L’arrivée de la photographie au Maroc


« Si les choses ont heureusement changé depuis, les débuts de l’histoire entre le Maroc et la photographie sont plutôt timides. Contrairement à ses voisins  du Maghreb, l’Algérie et la Tunisie, le Maroc n’a pas encore été « pacifié » et n’entretient que des relations distantes avec l’Europe lorsque la photographie apparaît en 1839 ; le pays se présente comme une terre hostile, fermée sur elle-même, en proie à d’incessantes intrigues qui donnent lieu à autant de soulèvements et de conflits internes. »  (Ibid. p11)

 

Le Maroc ne figure pas dans les étapes obligées du Grand Tour[2] parcourues par les jeunes de classes aisées pour parfaire leur éducation. Les étapes se cristallisent sur la plupart des hauts lieux de la civilisation judéo-chrétienne. Les pionniers hésitent donc à franchir le détroit de Gibraltar mais plus  encore à pénétrer dans la terra incognita. Les villes de la côte et du nord seront donc les premières photographiées, Tanger, Tétouan, et Volubilis, ancienne Tingitane, marque la frontière avec l’inconnu.

 

En 1846, est signalé le passage d’un certain Coufourier, daguerréotypiste, puis en 1856 celui de Félix Jacques Moulin. Si effectivement il y a eu actes photographiques, les plaques ne sont pas parvenues jusqu’à nous. La guerre hispano-marocaine drainera quelques correspondants, « un écrivain, en particulier, accompagne les militaires : Pedro Antonio de Alarcon, qui s’est adjoint les services d’un photographe rencontré à Malaga, Enrique Facio. Les images que celui-ci réalise pendant cette campagne de 1859-1860 concernent principalement les opérations militaires. » (Ibid.)

Puis, vers les années 1880, le Maroc s’ouvre vers l’extérieur après la conférence de Madrid qui pose les jalons de la pénétration économique européenne. Dans le même élan, plusieurs photographes y installent leurs ateliers, comme Davin (1880), suivi de Molinari (1883) et de Cavilla (1885). Les commandes émanaient en premier lieu des diplomates qui ambitionnent de joindre des images à leurs rapports, puis des résidents occidentaux et de quelques rares touristes. Par le biais de missions officielles, les photographes ramènent des clichés des terres, de Fès  et de Marrakech principalement. Les édifices historiques remportent le plus d’intérêts. Notons aussi le travail d’Henri de Lamartinière, archéologue envoyé en mission par le ministère de l’instruction publique et par l’institut, il se consacra aux ruines romaines de Volubilis ; ses travaux furent remarqués. Il fuit usage de la photographie. Puis il parcourra le Maroc et écrit un formidable témoignage, « Souvenirs du Maroc, voyages et missions, 1882-1918» (Henri de la Martinièr, Souvenirs du Maroc, voyages et missions, 1882- 1918, Paris, 1919? , Plon-nourrit et Compagnie)

 

Les « scènes de types » où se mêlent souci esthétique, ethnographique et des tendances plus exotiques, se développèrent. Mais photographier les marocains n’est pas chose aisé ; « outre leur défiance à l’égard de ces envahisseurs étrangers, l’islam proscrit la représentation de la figure humaine et ils considèrent cette volonté de saisir leur image comme une atteinte à leur intégrité et à leur foi. » (Ben Jelloun Tahar, d’Hooghe Alain, Siljelmassi Mohamed, Le désir du Maroc, Marval, Paris, 1999, p10)

Les photographes détournent cette difficulté, rémunèrent certains modèles et se tournent vers les juifs, plus prompts se laisser photographier. Les prostituées servaient de modèles et étaient utilisées pour représenter différents statuts de la société marocaine.

Gabriel Veyre est peut-être le premier à photographier les marocains au naturel, dans leur quotidien. Nous développerons plus tard des éléments biographiques de cet homme incontournable pour évoquer la photographie la photographie au Maroc.

Au début du siècle, la relation entre le Maroc et l’Europe se dégrade ; cette situation entraîne le débarquement des troupes françaises et espagnoles. Dans leurs rangs se trouve le lieutenant José Ortiz Echagüe, photographe, inscrit dans la tradition pictorialiste. Marcelin Flandrin, photographe de profession, couvrira toute une série de reportages sur la guerre du riff. Il installa son studio à Casablanca et formera les éditions MARS. (Le fond Flandrin est conservé à la fondation banque populaire pour l’éducation et la culture à Casablanca). De nombreux photographes amateurs ou professionnels sont à nommer pour esquisser les débuts de la photographie au Maroc, notamment Joseph Thomson, James Valentine, Georges Washington Wilson, de nombreux anonymes aussi.

 

 

 

    Les Archives de la Planète, des ambassadeurs au Maroc


    Notons aussi la fabuleuse entreprise d’Albert Khan pour constituer les Archives de la Planète (ADLP). Il consacre une partie de sa vie et sa fortune  à l’établissement d’éléments de compréhension et de dialogues entre les cultures. Il met en place de nombreuses institutions. C’est en 1909, à la suite d’un tour du monde, qu’il concrétise son projet de créer les Archives de la Planète, et constitue des équipes chargées de saisir les us et coutumes de l’Autre.  Dans le cadre de ces missions, Stéphane Passet sera envoyé au Maroc en 1912-1913, puis Georges Chevalier en 1925. Ce dernier réalise les clichés sur plaque autochrome, accompagné de Camille Sauvageot qui est chargé des prises de vues cinématographiques.

Cette collection si importante des Archives de la Planète offre un panorama sur plus de 50 pays et constituent aujourd’hui les collections du musée Albert-Khan, situé dans la banlieue parisienne à Boulogne-Billancourt.

Les regards de tous ces photographes montrent leurs subjectivités, qui dans le même élan, répondaient aux demandes et formaient la sensibilité de leurs publics, se frottant aux regards construits mais aussi involontaires.

 


[1] www.fai.org.lb/CurrentSite/français/fset-presentation.htm

John B. Green a voyagé en Haute Egypte et en Nubie en 1853 et 1854, et en Afrique du Nord en 1855. Photographies à la fois topographiques, architecturale ou iconographique. (Frizot, 2001 : 79).

[2] Le « Grand Tour », institution laïque, désigne les voyages entrepris par l’élite européenne à partir du 17ème siècle. Cette élite se déplace en Europe et dans le bassin méditerranéen sur de longues périodes. Elle voyage principalement en Italie, en Espagne, en Grèce, en Turquie, en Egypte, en Palestine, au Liban.

Cette pratique, parfois inscrite au programme éducatif des jeunes, est une entreprise intellectuelle, romantique, esthétique ; le voyageur s’inscrit dans les pas des explorateurs et colons, dans le mouvement du monde. Mais on ne voyage pas partout ! Le parcours est établit sur des sites précis et sur ce qui doit être vu. Ainsi, sont visités les hauts lieux de la civilisation judéo-chrétienne, sur les traces de l’épopée biblique et la découverte des monuments pharaoniques, musées, sites archéologiques, savants. L’épopée se narre au retour, illustrée à l’aquarelle, par la photographie, par le texte et fait l’objet d’une reconnaissance sociale. De « Grand tour » découlera la terminologie « tourisme ».

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